Passation : finalement, je l’ai… dans le dos

Un jour de passation de pouvoir à l’Élysée, pas un jour comme les autres, d’autant que pour la première fois, je vais y assister en tant que journaliste et tenter d’en ramener quelques bonnes images pour le journal. Un peu tendu, excité, curieux, anxieux, bref la panoplie de toutes les émotions… tout y passe. Le jour J, je pars de chez moi dans l’intention d’arriver sur place environ 3/4 d’heure avant l’arrivée de François Hollande. Naïf que je suis de croire que ça suffit. Arrivé sur place, c’est la cohue dans la rue du Faubourg Saint-Honoré. Entre les sympathisants de l’un et de l’autre candidat, les journalistes qui attendent impatiemment leur accréditation, le service d’ordre et le ballet des voitures officielles, c’est un joyeux bordel. J’arrive tant bien que mal à rejoindre les premières places en face de l’Élysée pour tenter d’obtenir rapidement mon accréditation et rentrer dans le lieu tant convoité aujourd’hui. J’apprendrais le lendemain qu’il y avait 700 journalistes sur places et seulement… 2 personnes pour les accréditations. Effectivemment, rien n’est simple. Je me fais à moitié écrasé contre les barrières. Comme les autres, je tend désespérément ma carte de presse, en appelant en vain.

Enfin, au bout de 15 minutes, j’obtiens ma carte d’entrée. Ouf, un premier pas de fait. Mais je vois l’heure s’approcher dangereusement de 10h00 et je suis pour le moment toujours dans la rue. À priori, il semble qu’il ne fasse plus rentrer de journalistes dans l’immédiat. Je sens que c’est râpé pour l’arrivée du nouvel occupant de l’Élysée. Effectivement, un peu plus tard, je vois la citroën arriver, rentrer dans la cour et un peu plus loin, en sortir Hollande qui du coup… me tourne le dos. Ça commence bien. Pour les images, je sens que ça va être coton. Je fulmine contre moi-même et contre le service d’ordre qui nous bloque ici sans nous donner une seule explication. Passe encore une bonne dizaine ou quinzaine de minutes, et enfin je fais partie d’un groupe autorisé à entrer. Yes !!!
Je passe la sécurité et me voilà enfin dans la fameuse cour. Il fait plutôt beau, la lumière est sympa, il devrait bien y avoir moyen de faire quelque chose. Le problème est de trouver une bonne place. Je repère l’estrade sur la gauche de l’entrée du Palais. Il y a pas mal de monde dessus, mais je vais quand même y faire un petit tour, histoire de voir si je ne pourrais pas me glisser. Ça me parait plutôt difficile.

Du coup, je suis un cameraman qui s’engage dans l’escalier menant aux toits terrasse. Arrivé en haut, je me dis que c’est le bon choix. À première vue, on dirait qu’il y a moins de monde et qu’il sera possible de négocier une petite place. En fait pas si simple. Les cameras ont envahi l’espace, elles ont un angle de champ plutôt large et du coup impossible de se positionner à côté. Je parcours tout le toit pour me retrouver du côté droit de la porte du Palais et réussi à me dégoter une petite place. Le déploiement de matériel sur les terrasses est vraiment conséquent, notamment au niveau vidéo. Je me fais même à priori filmé par une équipe qui fait un long métrage d’après ce qu’il me dise. Pas sûr que ma bobine soit pas coupé au montage. Finalement, j’ai une assez bonne visibilité sur la porte vitrée par laquelle ils vont sortir et j’ai l’impression que je devrais pouvoir faire quelque chose de pas trop mal.

Je profite de cette période d’attente pour prendre quelque photos de l’endroit qui me servent en même temps à vérifier mes réglages. Je fais quelques photos au grand angle et quelques vues au télé. En face, l’estrade des photographes et des cameras est impressionnante. Je suis assez bien en fait. Il fait plutôt doux, et finalement à part le ratage de l’arrivée d’Hollande, ça ne se passe pas trop mal. Je continue quelques clichés en attendant la moment crucial de la sortie.

Pendant tout ce temps, je jongle entre mon appareil photo et mon portable : je suis en contact par SMS avec ma rédac’chef qui suit en même temps l’événement sur BFM et m’informe de l’imminence de leur arrivée. À un moment, ça bouge dans l’entrée, je me tiens prêt. Ils arrivent, ils s’avancent sur le perron… je shoote plusieurs fois. Manque de bol, comme je suis placé, Hollande me tourne le dos, alors que c’est lui que j’aimerais avoir en face. On peut évidemment imaginer qu’il est logique qu’Hollande se soit mis sur la gauche… Je penche plus pour le fait qu’il se soit placé de façon à être en face de l’estrade des photographes/cameras au moment de la sortie. Ou alors c’est juste un mauvais hasard pour moi. En tous les cas, pour le moment, je n’arrête pas de faire les mauvais choix et ça me fait ch…

Bon quoiqu’il en soit, je suis là pour faire des photos, je déclenche tant que je peux. Poignées de main, Sarkozy et Carla Bruni qui s’en vont… de dos, qui montent dans la voiture, la main de Sarkozy par la fenêtre au moment où la voiture sort de la Cour d’honneur. J’ai tout ça mais pas ce qu’il m’aurait fallu. Je peste. En plus, mon appareil reste bloqué pendant 30 secondes, le buffer au bord de l’asphyxie. Du coup, je rate des clichés. Grrrmmmmbllll !!!!

Et voilà, Sarkozy est parti, Hollande pendant ce temps est déjà rentré. Toute cette galère pour 3 minutes de photos et même pas réussies comme je le souhaitais en plus. Du coup, j’hésite entre rentrer maintenant au journal ou essayer de rester pour la partie Champs-Élysées. Finalement je décide de rester. je trouve une sortie côté avenue de Marigny et je file direction les champs. Arrivé aux barrières, je montre ma carte de presse et passe. Cette fois, je ne me ferais pas avoir. Je vois un petit groupe de photographe armé d’objectif larges comme des paniers de basket en train de palabrer avec une personne du service d’ordre. je me joins à eux. Il y a des photographes de plusieurs agences, notamment Reuters et ils essayent de négocier la meilleure place. Je reste dans le groupe. Ils arrivent à trouver une place en face d’une allée par lequel Hollande devrait sortir. Je fais quelques clichés d’ambiance. On reste là… 30 secondes et puis on nous fait dégager. On réussit à avoir l’accord de ne pas aller derrière les barrières… tant qu’on reste sur le trottoir. Mais finalement, on se retrouve un peu loin de la fameuse allée. En attendant, je continue à déclencher.

L’attente est longue, d’autant qu’il se met à pleuvoir. Ma rédac’chef m’informe en temps réel de l’avancée des choses. À un moment, il y a du mouvement. On commence à courir vers un endroit d’où on pourra avoir un bon point de vue… fausse alerte. Et en plus, le service d’ordre nous fait dégager manu militari. Retour à la case départ. Finalement, ça s’agite vraiment et là, alors qu’on nous avait assuré que nous pourrions rester sur le trottoir devant les barrières, on nous fait passer derrière. Et pas moyen de discuter. Un autre photographe tente de faire comprendre qu’il n’y a aucune logique dans leur décision. Chou blanc, on se retrouve ni plus, ni moins à la même place que le public.

La garde républicaine s’avance, je vois la voiture d’Hollande qui se pointe à 50 m de moi entre 2 chevaux. J’ai à peine le temps de faire 2 ou 3 clichés que la voiture tourne à droite et file vers l’arc de triomphe. Je continue à faire quelques clichés mais c’est le cas de le dire, je l’ai décidément dans le dos. Je serais passé à côté de tout ce matin. Jamais au bon endroit au bon moment. Et pour couronner le tout, j’ai à peine le temps de ranger le matériel que c’est le déluge. Je cours jusqu’à la station de métro la plus proche, où je rentre détrempé. Je crois que j’ai mon compte de galère pour la journée, j’arrête là, retour au journal.

Bon au final, sur l’intégralité de cette série, il y aura tout de même des clichés utilisables, mais j’ai quand même du mal à gérer la frustration d’être passé à côté de ce moment par rapport à ce que j’espérais faire. Le métier rentre, c’est certain, mais c’est parfois à coups de marteau et il faut savoir les encaisser. Bon la prochaine, et finalement elle va venir plus vite que je ne le pense, je ne me fais pas avoir. À suivre…

Dernière mise à jour : voici un des clichés publié dans notre journal. Bon, c’est pas si mal que ça. Je m’en tire quand même plutôt bien, je trouve.

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